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"Centre Papa Nui : un atelier pour aborder la vie intime et affective"
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Posté par Teniu03

7 juin 2022

Parler de la vie intime et affective en toute bienveillance, c’est ce que propose Hinaotiti Frohlich, monitrice éducatrice au centre Papa Nui, aux jeunes femmes de 20 à 26 ans qu’elle encadre. Depuis plus d’un an, chaque mercredi après-midi, elles se retrouvent dans la petite salle dédiée à l’atelier d’esthétique. Une fois leurs ongles bien vernis et leurs cheveux bien coiffés, le sujet est lancé.

“Elles sont réceptives et gênées à la fois, confie leur monitrice. Et je le comprends, c’est pour ça que je n’insiste pas quand je pose une question et qu’elles n’arrivent pas à répondre. Il y en a qui sont très intéressées mais qui ne participent jamais. Elles écoutent, elles rigolent. Mais c’est gênant, donc elles ne vont pas en parler, même si elles ont une grande curiosité par rapport à ça. Il y a des jeunes filles qui se posent certaines questions, il y en a d’autres qui ont un niveau plus avancé, qui ont déjà été instruites par leurs parents.”

Un atelier né d’un besoin

Avant la mise en place de cet atelier hebdomadaire, le personnel du centre Papa Nui avait déjà tenté d’aborder le sujet avec ses usagers adultes. “Avec la psychologue du centre, on avait commandé un jeu, et avec l’équipe on se posait beaucoup de questions sur comment les aider par rapport à ça, poursuit Hinaotiti Frohlich. On avait acheté des livres. Mais ça a été abordé une fois et puis finalement on n’en a pas reparlé parce qu’on s’était rendu compte que c’était difficile pour eux d’aborder le sujet de manière mixte”, les filles et les garçons ensemble.

“Et puis lors d’un séjour à Moorea, en novembre 2020, je me suis dit pourquoi ne pas aborder ce sujet avec les filles. Elles ont vu que j’avais apporté les livres du centre. Ce sont de petits livres qui expliquent tout, mais à des âges différents. Le soir, j’ai vu qu’elles avaient mis les livres sur mon lit, c’était leur manière de demander qu’on en parle”, sourit leur éducatrice.

Commencer par la base

Ce premier échange entre filles a permis à Hinaotiti de faire un constat. “Je me suis rendu compte qu’elles avaient un niveau très enfantin par rapport à ça. Pour elles, aimer quelqu’un, c’est tenir la main, faire un petit bisou. Donc le jeu qu’on avait acheté était beaucoup trop avancé pour les jeunes du centre. Il fallait aller à la base.”

Pas question donc de choquer ou mettre mal à l’aise ces jeunes qui présentent une déficience intellectuelle en parlant de sexualité comme des adultes l’entendent. Là, il s’agissait de repartir du début, en leur apprenant déjà à comprendre l’anatomie et le fonctionnement du corps humain.

“Ce que j’aime bien, c’est qu’elles gardent une petite information, c’est déjà ça pour moi, indique leur monitrice. Il y a des trucs qui résonnent, il y a des petites choses qu’elles savent maintenant, comme pourquoi elles ont leurs règles. J’y vais petit à petit. Des fois je mets un peu de vocabulaire, mais je n’ai pas envie de les inonder avec ça. Je ne veux pas que ce soit quelque chose de lourd pour elles ou de trop scientifique.”

Une formation pour structurer l’atelier

Hinaotiti met du cœur à l’ouvrage pour tenir chaque semaine cet atelier sur la vie intime et affective. Dans un souci d’améliorer ses interventions, elle demande à sa direction de pouvoir participer, en novembre 2021, à une formation organisée par la Fédération Te Niu o te Huma pour ses associations membres. Cette formation, intutilée « La sexualité, une approche intégrative », était dispensée par Delphine Bigueur, conseillère conjugale et familiale, mais également thérapeute familiale en métropole.

“Ça faisait un an que je tenais cet atelier, mais je n’avais pas vraiment de supports, ni de structure dans mes interventions. C’est surtout ça que cette formation m’a apportée, de pouvoir créer moi-même des supports facilement, sous forme de jeux de cartes ou de marelle par exemple, et de mieux structurer mes interventions auprès d’elles. De créer un cheminement des différents thèmes à aborder.”

Partager les informations avec les autres

À l’issue de cette formation, le personnel du centre Papa Nui a pris le temps de se réunir afin que Hinaotiti puisse partager ses nouvelles connaissances avec ses collègues et les sensibiliser. “Surtout par rapport au fait que les jeunes puissent s’adresser à n’importe qui dans la structure, précise-t-elle. Ça peut être le chauffeur, ça peut être l’agent d’entretien, ça peut être n’importe quel éducateur. Et ce que je voulais leur demander, c’est d’être sensible à ça, de tendre un peu plus l’oreille. De se dire que si un jeune ne veut pas travailler, est un peu agacé, c’est peut-être en relation avec sa vie affective. Je voulais aussi dire à l’équipe qu’on fait avec ce qu’on est. On est éducateur, mais des fois on n’est pas très à l’aise non plus avec ça. Et il faut pouvoir le dire et être honnête surtout. C’est une des choses que j’ai entendue dans la formation et qui m’a touchée.”

Cette réunion a aussi permis “d’harmoniser le discours des éducateurs sur le sujet”, indique Hinaotiti. “On ne s’était jamais posé autour d’une table pour dire ce qu’on admet et ce qu’on n’admet pas au centre. Parce que des fois on avait des discours très différents les uns des autres. Par exemple, deux éducateurs qui voient un couple de jeunes s’embrasser ne vont pas réagir de la même manière. Et ce qui est mieux, c’est qu’on se concerte pour avoir tous le même discours. Qu’il n’y en ait pas un qui autorise et l’autre qui n’autorise pas. Donc l’idée était de lisser tout ça et de pouvoir établir un règlement : qu’est-ce qu’on fait si on voit ça ? Ça nous permet de tenir un cap et d’avoir un discours qui est cohérent pour tout le monde.”

Étendre l’atelier à un plus grand nombre d’usagers

Une autre chose apprise lors de cette formation est d’informer les parents de la tenue d’un tel atelier. “Je les ai tous contactés et le retour a été très positif, sourit Hinaotiti. Ils sont ravis parce que soit ils n’y pensaient pas, soit ils n’avaient pas le temps, ou ils étaient gênés d’en parler. De l’autre côté, quand j’en ai parlé avec les filles, elles m’ont dit que ça leur faisait honte de parler avec leurs parents. Donc ça arrange les parents qu’on le fasse, et les filles ça leur permet d’avoir leur petit jardin secret aussi.”

Aujourd’hui, Hinaotiti souhaite que ce type d’atelier soit étendu aux jeunes hommes du centre, “parce qu’ils en ont besoin aussi”. “Pour l’instant c’est que les filles. De la réunion, on en a parlé, ça serait bien que les garçons puissent aussi avoir ce genre d’échanges. Ils l’ont des fois de façon informelle, mais le problème quand c’est informel, c’est qu’il y en a qui passent à travers et qui n’ont pas les mêmes informations, surtout si ce n’est pas régulier. Et il faut aussi s’interroger sur les plus petites, les plus jeunes qui ont 13 ans. Elles ont aussi besoin d’une éducation à la vie affective, intime et sexuelle. Je pense d’ailleurs qu’il est important de prendre en charge tôt.”

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